Quel rôle de la compliance dans les opérations de fusion acquisition ?

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En mars 2021, l’agence française anticorruption (AFA) a publié une mise à jour de son guide sur la compliance dans les opérations de fusion-acquisition. À cette occasion, Maître Thibault Guillemin, avocat associé chez Guillemin Flichy, revient pour nous sur les conséquences pratiques de ces recommandations, et décrypte l’importance de la due diligence compliance dans ces opérations.

 

Quels changements la mise à jour du guide pratique de l’AFA engendre-t-elle dans vos fonctions ?

La mise à jour du guide pratique de l’AFA sur les vérifications anticorruption en matière de fusions-acquisitions tient principalement compte du revirement de jurisprudence opéré par la Chambre criminelle de la Cour de cassation par son arrêt du 25 novembre 2020[1].

 

Par cet arrêt, la cour de cassation, qui s’aligne sur la jurisprudence européenne, juge que dans le cadre d’opérations de fusion-absorption entre SA ou SAS, la société absorbante peut être condamnée pénalement à une peine d'amende ou de confiscation pour des faits constitutifs d'une infraction commis par la société absorbée avant l'opération.

 

Ainsi, l’actualisation du guide n’a pas modifié significativement les modalités pratiques de nos vérifications anticorruption réalisées pour nos clients, pré ou post signing. La principale différence tient à la vérification que l’instance dirigeante est suffisamment informée des résultats de la due diligence, et des risques encourus. Par ailleurs, ce nouveau risque de transfert de responsabilité pénale à la société absorbante requiert de notre part une vigilance accrue concernant l’existence de procédures judiciaires en cours dans lesquelles la cible serait susceptible d’être impliquée ou les risques de condamnation pour des infractions à la probité.

 

L’identification de tels risques peut nous conduire à proposer à nos clients souhaitant réaliser l’opération de fusion ou d’absorption des solutions pénales négociées, comme la CJIP.

 

Quel est le rôle de la due diligence compliance ?

Tout comme l’évaluation de l’intégrité des tiers, une due diligence compliance d’une société cible s’inscrit dans l’impératif de gestion des risques requis par les recommandations actualisées de l’AFA. Réaliser une telle due diligence répond à trois enjeux :

  • Un enjeu opérationnel, dans un premier temps. Elle est un outil de transparence permettant à la société acquéreuse / absorbante d’apprécier le profil de risque de la société cible. Elle est alors de nature à nourrir les échanges avec la cible au sujet de la structuration de l’opération envisagée et d’éventuelles mesures de remédiation à entreprendre. Dans le pire des cas, la due diligence peut conduire à refuser de réaliser l’opération envisagée.
  • Ensuite, il y a un enjeu juridique. La due diligence permet d’apprécier l’existence de risques de transfert de responsabilité administrative, civile, et donc pénale désormais, à la société acquéreuse / absorbante et donc de condamnation et d’atteinte à la réputation.
  • Enfin, il y a bien évidemment un enjeu financier. Outre d’éviter de devoir payer des condamnations pécuniaires pour des manquements ou infractions commis par la cible, les vérifications anticorruption permettent à la société acquéreuse / absorbante d'anticiper les coûts d’intégration ou d’adaptation du dispositif anticorruption de la cible qui interviendra après l'opération.

 

Que risque-t-on à mal la réaliser ?

Une due diligence incomplète ou approximative peut conduire la société acquéreuse/absorbante à mal apprécier le profil de risque de la cible. Comme évoqué, cela peut conduire au transfert de la responsabilité administrative ou civile, voire désormais, de la responsabilité pénale dans certains cas.

 

En tout état de cause, quelle que soit la forme de l’opération envisagée (acquisition sans transmission universelle de patrimoine ; fusion ; absorbation), des défauts dans la due diligence de la cible peuvent affecter la réputation de l’acquéreur / l’absorbante si des manquements à la probité sont découverts postérieurement. Ceci peut déstabiliser la société, jouer sur sa valeur, ses résultats mais aussi la confiance que lui accordent ses collaborateurs, clients et partenaires.

 

Quels sont les principes fondamentaux de la due diligence compliance pré-opération de fusion ou acquisition ?

Plusieurs principes fondamentaux s’appliquent à la due diligence compliance. Si je devais résumer, je dirais : confiance, proportionnalité, confidentialité.

 

Tout d’abord, la confiance, entre les différents acteurs de la due diligence est essentielle. Les enjeux de l’exercice, ses résultats, et leurs conséquences doivent être connus par ces derniers, notamment par l’instance dirigeante, que l’AFA souhaite tout particulièrement impliquer dans ce processus. En tant que conseil nous devons travailler « main dans main » avec le responsable des vérifications anticorruption, si celui a été nommé au sein de l’entreprise, et avec la fonction conformité. Nous devons nous assurer que l’ensemble des informations « qui fâchent » soient bien circularisées et analysées. Et ainsi, nous assurer que les résultats de la due diligence soit correctement rapporté aux équipes M&A et à la direction.

 

Ensuite, la question de la proportionnalité est clé. La nature et le champ des vérifications à mener, ainsi que les informations à recueillir, doivent être adaptées et proportionnées aux enjeux de l’opération de fusion-acquisition – comme par exemple la taille de la cible ou le montant de l’opération – et au degré d’exposition au risque de corruption de la société cible.

 

Et pour terminer, la confidentialité. Les vérifications anticorruption s’intègrent dans le processus de due diligence (financière, juridique) globale de la cible. Comme pour ces autres volets, la confidentialité est primordiale. C’est d’autant plus le cas compte tenu du caractère sensible des informations susceptibles d’être échangées dans le cadre d’une due diligence compliance (procédures judiciaires en cours, identité des intermédiaires, circuits de paiement, etc.).

 

[1]  (Cass. crim., 25 nov. 2020, n° 18-86.955, Publié au Bulletin)

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